L’apéro au Champagne terminé, mon ami Antoine, charcutier de son état , m’invite à passer à table tout en me servant mon premier verre de Pouilly-Fuissé…Au menu : Andouillette A.A.A.A.A., gratin dauphinois. Inévitablement, il me demande si je connais la signification du label A.A.A.A.A.
Après trois coupes de Champ et un verre de bourgogne, cinq prénoms féminins se rappellent à mon esprit aviné, anciennes héroïnes de lectures inavouables.
Les voilà toutes qui surgissent telles des elfes diaphanes et dansent autour de moi ; Elles ont nom : Aziyadé , Antinéa , Antigone , Anna et Ariane…
La première, Aziyadé, mystérieuse esclave circassienne dont les grands yeux teinte vert de mer « chantée par les poètes d’Orient » , assortis à son troublant camail de soie m’ensorcelaient comme le fût Loti à Salonique.
La seconde, Antinéa , fausse reine de l’Atlantide , fantasme de la femme interdite, miracle d’ironie et de désinvolture, non contente d’avoir déjà séduit de Saint-Avit et le capitaine Morhange, jetait sur moi à la fois son dévolu et son guépard !
La troisième, Antigone , la plus belle figure qui soit apparue sur la terre (selon Hegel) , féministe bien avant Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi ou autre Fadela Amara , héroïne tragique , défiant Créon , exaltée par la mort voulait m’ensevelir avec son frère Polynice !
La quatrième, Anna Karénine, infidèle , incroyante, me dévorait de la même passion que celle qu’elle éprouvait pour le brillant officier Vronski à son arrivée à Moscou et m’entrainait avec elle sous un
wagon à la gare de Nijni.
La cinquième, Ariane Corisande d’Aube, belle du seigneur, solaire, sensuelle, religieuse de l’amour, était enflammée par les baisers- fruits du beau Solal des Solal , fils de rabbin , séducteur et manipulateur , dont je partageais le donjuanisme et le cynisme …
Une éclaircie , j’émergeais enfin des brumes de Bourgogne et écoutais la réponse d’Antoine , certes moins onirique , à sa question perfide : A.A.A.A.A. = Association amicale des amateurs d’andouillette authentique !
Après tout , les destinées malheureuses , voire tragiques , communes à mes cinq héroïnes ne rejoignaient elles pas celles des mammifères omnivores dont les andouillettes sont issues ?
Pas mal, ton Pouilly, Antoine, ressers moi !