Le blog de JML

De plus loin que je me souvienne, mes premières émotions sexuelles se sont manifestées lorsque, dissimulé sous la longue et lourde table en travertin grège de la salle à manger familiale, je guettais fiévreux la venue d’Emilienne, une haut-rhinoise gironde aux formes pneumatiques chargée par mes parents de la pénible corvée à la fois de me baby-sitter et de faire le repassage domestique.

J’étais autant fasciné par le galbe de ses mollets entrevus de ma cachette que perplexe sur ses propos énervés qui tournaient constamment autour de ce que je croyais être la quête de son plat préféré : des pâtes et en particulier des nouilles.

Il n’en était rien, je saisissais rapidement à son profond soupir de satisfaction qu’elle avait mis enfin le doigt non une platée de nouilles mais sur un morceau de linge humide appelé “ pattemouille“ (nommé aussi “filet de repassage“) !

De nombreuses années s’écoulèrent avant que mes émois d’adulte plus raisonnable, abdiquant finalement l’observation des gambettes et mollets se reportèrent sur d’autres lignes courbes dont l’esthétique eut au début du XXe siècle un développement international : c’était l’Art nouveau.

 Mon intérêt pour ce mouvement artistique se concentra sur les productions non pas d’une Emilienne alsacienne mais sur celles d’un lorrain touche- à- tout génial, Emile Gallé.

N’ayant donc pu, bambin indiscret, profiter pleinement de mon observatoire improvisé d’une parcelle d’Alsace, je m’intéressais dorénavant à la croix de Lorraine nichée entre le E et le G de la signature du maître verrier sur de petits vases lumineux d’exception.

Ainsi, furieusement attiré par les lignes sinueuses et les jeux de courbes souples, valorisant la sensualité, n’ai-je jamais souhaité m’associer au courant de ceux qui qualifièrent perfidement l’Art nouveau de “style nouille“ !