Le grand kif dans les années 60 était d’aller souper en hiver après une pièce de boulevard en vogue à la célèbre institution au coude à coude du quartier des Halles : Au Pied de Cochon.
Pour certains, la traditionnelle soupe gratinée à l’oignon (ceux- ci, émincés et brunis faisaient péter de façon indolore mais pas inodore et par contre jamais pleurer !) précédait le pied de cochon grillé accompagné de béarnaise et de frites.
De nos jours, l’oignon ou hallux valgus peut à l’inverse être extrêmement éprouvant et vous amener à une intervention chirurgicale qui quelle qu’en soit la technique, peut avoir des suites douloureuses et provisoirement handicapantes.
La principale pénibilité dans cette cruelle conjoncture est (je peux en témoigner) la difficulté à se laver les pieds…
Cet été, lors d’une audacieuse virée vespérale dans le plus septentrional des six sestieri de Venise, Cannaregio (l’ancien quartier juif de la Sérénissime : le“ Ghetto Vecchio“) et m’être fâcheusement perdu la nuit tombée entre petits canaux et ruelles désertes, je me suis retrouvé par le plus grand des hasards sur la fondamenta dei Mori devant l’ancien Atelier du Tintoret, toujours atelier de peinture, de lithographie et d’Imprimerie au pied de la Casa del Tintoretto de style gothique à la façade rose remarquable.
Malheureusement, je m’en doutais un peu, la fameuse peinture à l’huile sur toile : Le Lavement des pieds, considérée comme l’une des meilleures œuvres du maniériste vénitien de la Renaissance italienne, fils d’un teinturier sur tissus de soie et de velours, a quitté l’église San Marcuola pour se réfugier à Madrid au Musée du Prado.
C’est bien dommage car j’aurais pu tenter d’imiter comme dans cette scène de l’Evangile de Jean, l’apôtre Pierre et accepter de me faire laver les pieds lors d’un dernier repas par Jésus débarrassé de son manteau, une serviette nouée autour de la taille.
Trêve de pleurnicherie, il me suffira dorénavant de m’occuper de mes oignons et, bravant les souffrances de cet inconfort passager de trouver chaussure à mon pied !